mercredi 23 novembre 2011

Atome et molécule : comment veux-tu que ça s'articule ?


L'homme est un animal social, inutile de refaire la démonstration ; il l'est au même titre que la fourmi, l'abeille, le dauphin, la sardine (qui n'est nulle part mieux qu'au sein de son banc). Que devient l'abeille loin de sa ruche ? Quel avenir pour la fourmi isolée ? J'arrête là l'illustration de cette loi car à la pensée d'un dauphin sans camarade de jeux, la tristesse monte, se transforme en larmes et mes lunettes s'embuent.
Le groupe est une force naturelle et évidente. Mais on n'ira pas loin, si celle-ci reste sans but. Et puisque présentement m'est donnée l'occasion de refaire le monde, je vais la saisir, en profiter pour, peut-être, dessiner les chemins canalisateurs qu'elle pourrait ou devrait emprunter, cette force naturelle, quasiment infinie, dont on a confusément conscience mais dont on ne sait souvent que faire ni comment la diriger.
À la force, F. Mitterrand avait associé la tranquillité et en avait fait son mot d'ordre, « La force tranquille ». Ça avait quelque chose de rassurant, de sécurisant, ce mot de Jacques Séguéla mettait en confiance. Ça avait quelque chose de sain, d'apaisant... surtout qu'au même moment, entre l'Irak et l'Iran, ça bardait. En Pologne aussi, ça chauffait : le général Jaruzelski était obligé de montrer les dents. Des menaces, donc, planaient. Il semblait juste de vouloir les écarter, de ne pas laisser de place au hasard, d'éviter le chaos (qui n'est pas toujours bon pour le PIB ni pour le moral de la ménagère de moins de cinquante ans). Non pas que des extrémistes religieux ou des syndicalistes moustachus risquaient de prendre le pouvoir en France, mais en tout cas, la prudence réclamait de postuler des valeurs. Ce qui fut fait.
Aujourd'hui, la force conduit des peuples entiers à se soulever ; des populations pugnaces et des mouvements de masse montent au créneau, avec des revendications précises et une détermination sans faille. Les uns souhaitent (et obtiennent) la fin d'une dictature militaire ou oligarchique. Les autres réclament de repenser les rapports sociaux et campent devant les bourses (qui s'affolent un peu, mais pas trop, car les bourses comme les ruches ne cessent pas leur activité bourdonnante à la première bande de cloportes venus s'agiter à ses alentours).
Ces mouvements sont historiques ; ils seront étudiés en tant que tels ; ce sont des cas d'école.
Ils rappellent que la loi d'un groupe, dont les composants sont motivés et savent ce qu'ils veulent, a vite fait de s'imposer face à la loi d'un autre groupe, dont les membres sont démotivés, égarés, sans perspective, sans arguments, sans crédibilité.
« Le combat est père de toutes choses, de toutes le roi », disait Protagoras, qu'on ne présente plus et dont on fait la connaissance en suivant des cours d'histoire de la philosophie. Aujourd'hui, le combat qui se prépare ne peut être gagné d'avance, même si on pressent qu'un camp a molli, qu'il a failli, qu'il n'a pas brillé du moins, si ce n'est par ses innombrables ignominies et par ses promesses non tenues. On peut juste dire que la partie est bien engagée. Comme aux échecs, il faudra avancer en protégeant ses pièces, sans négliger le moindre pion ; il faudra harceler l'adversaire, ne pas le sous-estimer, lui faire aucun cadeau. Ah j'oubliais ! L'adversaire, quel est-il ?
Et où est-il ? Dans quel antre sommeille-t-il ? À quelle heure peut-on le contacter ? Comment le reconnaître à coup sûr ? Est-il soluble dans le débat démocratique ? Devrons-nous l'éradiquer, ou simplement le neutraliser pour l'empêcher de nuire ? Est-il ici, ou là-bas ?

C. Cléran


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