vendredi 6 décembre 2019

« Ne pas se vendre - Ne pas se rendre - Ne pas vaciller »

Hier, vers 14 heures, je croise Daniel Delaveau, ex-maire de Rennes (2008-2014), en vélo, au pied des immeubles du Colombier, rue de Plélo. Il est accompagné de deux gus. À trois cents mètres de là à peine, des nuages de lacrymo empuantissent la rue d’Isly et le square de la rue Émile Souvestre est littéralement noyé sous les gaz. Quelques minutes plus tôt, j’ai vu un FDO en train de braquer son LBD à hauteur de visages des manifestants au croisement des rues Maréchal Joffre et Vasselot.
Je lui demande donc à brûle-pourpoint s’il trouve normal que la maire actuelle n’interdise pas l’usage des gaz et des LBD dans sa ville. « Ce n’est pas de son ressort, me répond-il. C’est à l’État d’assumer l’ordre public.
- Oui, mais la santé des citoyens dans le périmètre rennais lui incombe en partie ! Vous trouvez normal l’usage de ces armes ?! Un œil crevé ou une main arrachée parce qu’il y a eu une poubelle brûlée ou une vitrine explosée, vous trouvez ça juste ?
- En face, bredouille l’ex-maire, visiblement mal à l’aise avec mes questions, agacé par mon propos, ils doivent faire face à des jets de pierres, des jets d’acide !
- Quand les acquis sociaux sont menacés, c’est normal d’être en colère.
- Oui, mais on peut exprimer sa colère d’autres façons. Des manifestations, j’en ai connues. On ne cassait pas tout comme ça, les commerces, les vitrines… J’ai participé à des centaines de manifestations. Contre Pinochet au Chili, j’ai manifesté en 73…
- Et vous ne trouvez pas que Macron justement marche sur les pas de Pinochet ?
- Oh, je les connais vos discours de gauchiste !
- Mais vous ne pensez pas que les anciens, les sages, ceux qui ont des responsabilités devraient donner de la voix pour que cessent ces pratiques de répression ? Sinon, ça va finir par très mal se passer ! »
Notre conversation s’arrête à peu près là. Je récupère mon vélo puis me dirige vers la rue de l’Alma, où un canon à eau est entré dans la danse de cette belle journée de grève générale, pour asperger des centaines de manifestants qui refluent vers la gare.
Cet échange m’aura néanmoins permis de voir à quel point les responsables issus du Parti socialiste courbent l’échine devant des pratiques autoritaires. De voir que pour eux, l’injustice d’un œil crevé, pour un ou une manifestante, c’est le prix à payer quand on défile, justement, contre l’injustice sociale. Et peu importe si ces balles de LBD, ces palets de lacrymo ou ces grenades Gli-f4 atteignent en pleine face des promeneurs, des passants, des lycéens, des militants politiques en train de papoter, des journalistes ou bien une octogénaire fermant ses volets, qui perdra même la vie. De comprendre également que pour ces gens-là, une poubelle ou une vitrine ont des charges symboliques capitales : ça représente sans doute quelque chose d’assez sacré, une sorte d’avatar d’un Panthéon dégueulant de tous ces dieux voués à la croissance, à l’enrichissement sans fin et sans frein. Une poubelle qui brûle, c’est le début de la fin. C’est comme un palais qui s’embrase, avec dedans, crépitant, tous ces dieux de la propriété matérielle, de la marchandisation de tout et n’importe quoi pourvu que ça rapporte, et tant pis pour les inégalités sociales croissantes. Une vitrine étoilée, c’est un coup de couteau dans le dos du capitalisme qui s’était penché pour refaire ses lacets.
La lutte va être rude.

« Ne pas se vendre - Ne pas se rendre - Ne pas vaciller »
« Le paradis est toujours à refaire »
« En banlieue, en manif, en prison, la police mutile, la police assassine. »
(Avenue Janvier, Rennes)

Rennes, le 6 décembre 2019.

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