lundi 3 décembre 2018

L'utopie bientôt au pouvoir ?



Suite aux vastes mouvements sociaux, voilà la teneur du discours que j’aurais tenu, si j’avais été président :

« Non seulement je vous ai compris, mais en plus je vais vous le prouver.

Vous avez raison. On a fait fausse route. Le profit à tout prix et à court terme ruine le biotope, la santé des travailleurs (et celle de ceux qui ne travaillent pas) et déchire le tissu social.

On va donc faire une pause. Pour réfléchir ensemble. Une sorte de convalescence collégiale pour repartir du bon pied, une fois la fièvre retombée.  Durant ce laps de temps, seuls les services indispensables vont fonctionner normalement. Les services de l’État vont s’efforcer d’y pourvoir correctement.

Toutes les activités, les trajets, doivent être repensés, reconsidérés, réévalués à l’aune de nos réels besoins, au profit du collectif et de manière égalitaire (c'est important, l'égalité), alors peut-être faudra-t-il rouvrir des voies ferroviaires ou favoriser le transport fluvial en creusant de nouveaux jolis canaux.

Pour rendre ces mesures d’exception possibles (et en finir par la même occasion avec une conception usurière du don et du contre-don), les dettes, les prêts et intérêts de ceux-ci, sont annulés. Les produits de première nécessité sont rendus gratuits. Les loyers et autres charges sont suspendus. Les hommes et la nature en général ont besoin de repos et d’harmonie. Des locaux décents non occupés seront réquisitionnés pour satisfaire le droit à chacun·e de dormir et vivre avec un toit au-dessus de la tête.

De cet arrêt de nos habituelles activités, plus ou moins frénétiques et pavloviennes, vont découler des baisses considérables de consommation d’énergie. Les déplacements vont être réduits au strict minimum. Ce qui va avoir pour effet de nous rapprocher des objectifs de la COP 21 qui étaient jusqu’à présent inatteignables.

Dans la foulée, riches des expériences dramatiques vécues à Tchernobyl ou à Fukushima, nous fermons puis démantelons l’ensemble des centrales nucléaires françaises dont la commercialisation ainsi que l’exploitation s’avèrent exposer à un risque trop important les populations, et dont les déchets sont déjà surabondants.

Pour encourager le redéploiement d’une faune et d’une flore diversifiées, des haies et des surfaces herbées vont être de nouveau plantées et semées sur les exploitations pratiquant jusqu’alors la monoculture.

Les abattoirs et industries agro-alimentaires suspectées de malmener les canons d’une alimentation saine et de banaliser la maltraitance animale vont faire l’objet d’un audit et d’un moratoire. En contrepartie, une agriculture de subsistance vivrière basée sur les principes de la permaculture et de l’autonomie alimentaire sera encouragée par tous les moyens à notre disposition.

Nous inspirant de L’An 01 de Jacques Doillon et Gébé (1973) et des villes durables et agréables d’Ebenezer Howard (1850-1928), nous initierons des projets collectifs de végétalisation à grande échelle des villes et de création de potagers et de vergers sur des zones aujourd’hui bitumées qui devront être réhabilitées promptement.

Dans cet intervalle, les avoirs des banques sont gelés et feront si besoin l’objet d’une redistribution équitable qui permettra à chacun·e d’avoir de quoi voir venir sans peur du lendemain.

Les dépenses faramineuses de l’État – notamment militaires et concernant ce vieux concept viriliste de dissuasion nucléaire obsolète hérité de la Guerre froide – ainsi que les programmes dispendieux sont suspendus tant qu’ils n’auront pas agrégé une unanimité incontestable autour de leur reprise.

Sauf pour les crimes odieux (un conseil des sages va statuer au cas par cas), une amnistie générale est également déclarée qui aura pour effet de désengorger ces lieux à fabriquer de la délinquance que sont devenues les prisons.

Des regroupements citoyens d’habitants majeurs seront organisés pour favoriser des économies d’échelle et prendre des décisions au niveau local, au plus près des besoins avérés de la population.

Un passeport universel créé pour l’occasion sera accordé à tous les actuels sans-papiers afin de doper ce mouvement de solidarité qui aura besoin de toutes les bonnes volontés pour s’épanouir et faire tache d’huile (d’olive, d’argan ou de colza – nous ne serons pas bégueules).

Ces mesures extraordinaires ne sont ni des gadgets draconiens ni des caprices fantaisistes, mais des mesures fondamentales nées de la nécessité de changer de cap, d’éviter une guerre civile et de panser les plaies d’une société ultra-productiviste. Cette société, à ce jour, provoque 10 000 suicides par an, plus de 3 500 morts sur la route, 500 décès liés à des accidents du travail, près de 3 millions de personnes touchées par la dépression chaque année, 149 500 décès par cancers en 2015, 9 millions de tonnes de déchets alimentaires, la disparition des oiseaux dont les populations dans les campagnes se sont réduites d’un tiers en quinze ans, sans parler des menaces pesant sur les insectes pollinisateurs et du dérèglement climatique risquant d’engendrer des phénomènes de plus en plus incontrôlable (tempêtes, raz-de-marée, sécheresses, incendies, cyclones, tornades, etc.). Cette société-là n’est plus désirable par l’écrasante majorité d’entre nous.

Nous espérons donc qu’ainsi une nouvelle ère plus respectueuse de l’Homme et de la planète Terre va s’ouvrir. Les nations du monde entier ont le regard tourné sur nos décisions. Ces décisions se doivent d’être à la hauteur des enjeux. Nous espérons que l’ensemble des nations saura pardonner nos égarements passés et excuser les perturbations que cette révolution occasionne. »



Au lieu de ça, notre triste président s’est pris les pieds dans le tapis de la répression en twittant que ceux qui ont souillé l’Arc de Triomphe « seront identifiés et tenus responsables de leurs actes devant la justice ».

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