vendredi 3 décembre 2010

Paroles de nantis

À quoi sert l'argent ? Il a été créé, n'est-ce pas, pour permettre des échanges, en toute quiétude. Pour faciliter le commerce et démultiplier (quasiment à l'infini) les possibilités d'achats et de ventes, de transactions. J'ai tels talents (par exemple : communiquer, conduire des trains, peindre des murs, etc.). J'ai tels besoins (par exemples : un radio-réveil, des carottes râpées, etc.) pour la satisfaction desquels mes talents s'avèrent insuffisants. L'argent (gagné grâce à mes talents que d'aucuns auront reconnus) va pallier cette difficulté. Et je vais pouvoir manger mes carottes.
Alors quand Cantona parle de retirer son argent de ses comptes en banque, il parle surtout d'une perte de confiance quant à l'équité des échanges rendus possibles par l'usage de la monnaie. Certains se sentent floués, estiment que les échanges les lèsent, que l'énergie qu'ils dépensent n'est pas compensée par les biens qu'ils pourraient acquérir. En gros, on leur fait miroiter les délices d'un gros pouvoir d'achats et ils ne peuvent en savourer que le reflet (via les pubs ou la télé) ou le fumet, tandis que certains se goinfrent et roulent en limousine pour se rendre au spa, aux sports d'hiver dans le Tyrol ou en week-end à Fès, parce qu'il faut bien se changer les idées.
Tout donne à croire que les gens ont peur de l'avenir, doutent un peu des félicités atteignables ici-bas, sous ce quinquennat qui s'étire et que pimentent en rafales des mauvaises options souvent assez déplorables.
À quoi ça sert d'avoir du pognon, dans un monde sinistre ? À quoi ça sert d'en vouloir toujours plus, quand on sait que la grande majorité des bonnes et belles choses (l'amitié, l'amour, la générosité, la perspicacité, la tendresse, la réflexion, le rêve, la douceur, l'émerveillement, etc.) est réellement gratuite et non-indexable sur une quelconque monnaie ?
En substance, et pour conclure, on se demandera donc simplement s'il ne suffirait pas d'avoir un peu moins peur de l'avenir à long terme (que ponctue la mort) pour goûter enfin le sel du jour présent.

Cyrille Cléran



mardi 23 novembre 2010

Karachi dans la colle...

La France vend des armes. C’est difficilement justifiable sur les plans éthiques ou philosophiques. Sur le plan économique, il est de même assez évident que ces ventes sont contre-productives puisqu’il est récurrent de devoir démilitariser, « pacifier », lors d’opérations coûteuses (en hommes, en vies humaines, en énergie, etc.), des zones qu’on aura au préalable armées jusqu’aux dents.
Mais ce qu’on en retient, de ces ventes d’armes condamnables de ‘a’ à ‘z’ et de - ∞ à + ∞, c’est que certains en profitent pour créer des circulations juteuses de pognon sale.
Comme souvent, l’écume des faits ô combien nauséabonde et ses soudaines éclaboussures masque d’épais bas-fonds, assez putrides eux aussi, qui mériteraient un prompt récurage. Mais qui aura un jour le courage de nettoyer cet infâme merdier ? Qui osera dire que la vente d’armes, a fortiori organisée par des gouvernements humanistes et démocratiques, est une vaste aberration, une fumisterie dangereuse et une insulte au bon sens ?
*
Notre énergique président souhaite une France de propriétaires fonciers, une France friquée, à l’abri du besoin. Mais rien n’est fait pour offrir un lit, des draps propres, un i-pod et un toit (ne serait-ce que ça) aux nécessiteux. Ce qui serait déjà un premier pas.
L’hiver approche — c’est la loi des saisons. Et à moins qu’il ne soit étonnamment doux, des gens vont encore mourir, de froid, dans la rue. Comme tous les ans. Le château de Versailles ou le palais de l’Élysée disposent pourtant de pièces inutilisées à foison ! Qu’attendons-nous pour leur donner un usage salutaire ?
*
Soit on est un pays pauvre, sans ressource, sans vertu, et en ce cas, on n’a pas la possibilité d’offrir l’asile à qui que ce soit, ni celle d’offrir des ponts d’or à quiconque. Soit on est un pays riche aux valeurs nombreuses et chatoyantes, auquel cas, on n’a aucune raison de refuser leur partage.
Est-ce clair ? Pas suffisamment ? Alors illustrons. Il y a deux hypothèses. La première : nous sommes des crevards. L’hospitalité, la générosité, la clémence, la bonne intelligence, la régularisation immédiate des sans-papiers ou l’utopie du revenu universel garanti ne sont pas de notre ressort. Et c’est normal ! Demanderait-on à un malade cacochyme en phase terminale d’organiser un festival caritatif ?
Dans la deuxième hypothèse : le pays ne manque pas de grandeur. Et cette hypothèse (ma préférée) implique de poser des actes en ce sens.

Cyrille Cléran



jeudi 11 novembre 2010

Petit coup de pompe et grandes idées


Quand on est épuisé, on n’a pas forcément la force de s’indigner, voire se rebeller. Tout travail induisant une grosse fatigue, le travail systématisé est la meilleure façon d’arracher les racines de la protestation (tout en créant un climat de soumission généralisée, vaguement pénible, guère glamour, un peu déprimant pour tout dire).
Ainsi, peu à peu, on avance vers une société plus endurante, dure au mal, plus performante, plus fataliste (et peut-être un peu moins gaie que si elle avait choisi un autre modèle de développement, non pas centré sur le travail, mais sur une quelconque autre notion), au sein de laquelle les laissés-pour-compte, les impuissants, les faiblards, les zombies, les crevards, les désabusés, les cyniques, les indifférents et les traîne-misère se multiplient.
Quand on n’a pas la force de s’indigner, de combattre, peut-être doit-on se satisfaire des forces dont on dispose — forces qui peuvent être suffisantes pour allumer un téléviseur ou emplir une casserole d’eau pour les nouilles.

C. Cléran

jeudi 28 octobre 2010

Âme, conscience et corps social


S’il y a bien un lieu où la notion de consensus n’a guère cours, c’est celui de la sphère privée et individuelle. Là où chacun fait ce qui lui plaît, ou ce qu’il peut. Là, au cœur de l’être, au plus près du très intime, les généralités ne sont pas opérantes. Les cellules de chacun mènent une vie, particulière, unique, indécalcable. Chaque existence étant par définition irremplaçable, et sans équivalent, de quel droit pourrait-on ordonner à ces vies de suivre un seul et même modèle (le modèle américain, par exemple, ou le modèle stakhanoviste) ? Peut-on croire, sans s’épargner le ridicule, qu’on pourra empêcher quiconque de fumer, de voler, de fainéanter, de voyager dans des déserts hostiles ou sur des mers lointaines, de s’empiffrer de produits gras et salés ou hors de prix, de s’exprimer ou de boire avec excès, de chômer ou de travailler comme un dingue ?
On ne peut pas ériger une règle, et une seule, valable pour tout un chacun. Ce type de règle n’existe pas. Le système humain ne fonctionne pas sur le mode arithmétique. Nul ne peut ordonner, décréter, dicter sa loi et l’imposer aux autres sans outrepasser maintes idiosyncrasies.
Au demeurant, si on comprend qu’il faut protéger (et reconnaître) ces individualités — et si je vous barbe, n’hésitez pas à me le faire savoir —, on comprendra qu’il peut être aussi fécond de s’intéresser à ce qui les transcende. Existe-t-il des valeurs supérieures auxquelles se soumettre ? Y a-t-il des idées au-dessus de tout ? Devant quelles forces les individualités auront-elles tout à fait raison de s’incliner ? Telles seront les questions sur lesquelles nous conclurons et ce sera bien suffisant pour aujourd’hui.

Cyrille Cléran

lundi 25 octobre 2010

Ah l'union !


On vit plus vieux parce que les conditions de vie se sont, pour une immense majorité de gens, améliorées. Vacances ; congés payés ; week-ends ; loisirs multiples ; alimentations variées, abondantes ; savoirs accessibles ; gamme de soins élargie ; hygiènes sensées ; territoire pacifié depuis l’armistice du 8 mai 1945 ; tissu social hyper-développé (associations, clubs, services publiques, commerces, comités de jumelage, réunions de toutes sortes, festivals…) : techniquement, les raisons de cette espérance de vie en hausse sont nombreuses et liées à des causes connues, calculées, étudiées. On vit mieux grâce à la solidarité, grâce à la synergie, grâce à des savoir-faire, grâce à l’union (qui fait la force et conduit aux douceurs), grâce aux progrès voulus et aux efforts consentis jour après jour, semaine après semaine, année après année, décennie après décennie et ce, depuis plus d’un demi-siècle.
Alors, parce qu’on vit plus vieux, certains considèrent qu’on devrait donc travailler plus longtemps, alors même que c’était parce qu’on travaillait un petit peu moins qu’on vivait plus vieux.

Cyrille Cléran

samedi 23 octobre 2010

Appel au calme

Les livres font partie des garants de la paix et de la concorde. Étant donné qu’une durée comprise (au bas mot) entre six mois et dix ans est nécessaire à leur élaboration, on comprendra aisément que les auteurs ont besoin, durant cette période, de calme. Le calme ! C’est important.
Sans, impossible non plus de lire ces ouvrages, fruits de la concentration forcenée de gens de plume enfermés dans de sombres alcôves seulement reliées au monde extérieur par un poste radio PO-GO-FM chuintant ou une lucarne crasseuse fouettée par des pluies ininterrompues qui balaient la ruelle où passent de tristes inconnus.
Sans le calme et les livres, nulle perspective.

Cyrille Cléran
PS : on pourra reprendre ce raisonnement avec le football et la liesse des supporters qui vivent au rythme des saisons, des championnats, des transferts, des relégations, des victoires (toujours trop rares), des Coupes et des convalescences des joueurs blessés. Ça marche aussi : sans le foot et ses différentes divisions, les horizons s’obscurciraient, les aliments perdraient leur saveur, les santés s’étioleraient. Bref, le chaos pointerait.
On pourra aussi avec un même succès appliquer ce schéma à l’agriculture, aux 3 × 8 et aux autres efforts auxquels se contraignent les êtres vivants.


mercredi 20 octobre 2010

Promesses non tenues



On y croit tellement, à ce monde merveilleux qu’on s’engage à mettre sur les rails, qu’on est élu.
Ça peut arriver à tout le monde. On croit qu’on va pouvoir tout améliorer, que les riches seront heureux de baigner dans le flouze et que les pauvres seront ravis de participer à ce système enchanteur qui permet à certains de vivre ce que d’autres rêvent de vivre — système qu’activent la frustration des uns et l’opulence des autres.
C’est ce qui est arrivé à notre actuel Président, qu’on ne présente plus et qui, espérons-le, fera de même, en ne se représentant pas.
Mais son conte de fée connaît des mauvaises passes. Du coup, il n’a pas pu tenir ses promesses. Ou bien est-ce parce qu’il a été incapable de les tenir qu’il traverse une période de turbulences.
Je ne crois pas me tromper de beaucoup en imaginant qu’aujourd’hui, ce système qui n’a pas tenu ses promesses va vaciller. Quand le soufre d’une allumette a été mouillé, l’allumette est bonne à jeter. Il en est de même avec le sarkozysme. Et il reste à inventer une nouvelle manière de faire le feu.

Cyrille Cléran




Membres