Qui est le plus à
plaindre en ces circonstances ?
Les victimes qui avaient
d'autres projets pour finir la nuit ?
Les kamikazes qui
commettent l'attentat et qui meurent comme des porcs, éventrés
par leur ceinture d'explosifs bricolée, comme des cancrelats,
écrasés sous le talon de la ménagère de
moins de 50 ans, comme des pions, bébés taupes aveugles
sacrifiés sur l'autel déjà bien encombré
de la barbarie ?
Les proches des victimes
qui voient subitement leur arbre généalogique élagué
de la plus effroyable manière ?
Les téléspectateurs
fascinés par des images qui passent et repassent en boucle et
par des débats à n'en plus finir sur les causes du mal
et ses aboutissants ?
Les responsables
politiques qui n'ont pas le moindre remède fiable à
proposer ?
Les militaires qui vont
devoir patrouiller avec leur barda qui pèsent des tonnes pour
apporter une illusoire sécurité à des citoyens
apeurés ?
Les organisateurs
d'événements dont l'annulation ruine de pieux efforts ?
Les touristes qui
souhaitaient visiter Disneyland Paris ce week-end ?
Les xénophobes à
la petite semaine qui crient « vengeance » et
souhaitent noyer dans la Seine les bougnoules, les métèques,
les clandestins, les saltimbanques, les gauchistes, les homosexuel·le·s
et les femmes voilées ?
Les cyclistes, dopés
jusqu'à la moelle, qui n'ont rien à voir dans cette
histoire, mais qui se palpent les burnes chaque matin avec inquiétude
pour vérifier l'absence de tumeur ?
Les citoyens du monde qui
n'ont que faire des hymnes bavés à chaque
commémoration, des drapeaux tricolores en berne tels des
manches à air un jour de pétole, des discours des
va-t-en-guerre (qui, à l'abri derrière leur pupitre en
plexi, haranguent les foules) et qui doivent se farcir ce déferlement
de patriotisme ranci ?
Les experts de la Défense
nationale qui penchent pour l'usage de la riposte thermo-nucléaire
tout en sachant que celle-ci n'est guère compatible avec les
impératifs et les recommandations écolo-climatiques de
la prochaine COP 21 ?
Les parents de ces
terroristes qui risquent d'avoir un vague sentiment de culpabilité
face aux carnages orchestrés par leurs rejetons enivrés
de haine et d'ignorance ?
Les voisins des parents
de ces terroristes qui eux aussi vont sûrement se dire qu'ils
sont passés à côté d'occasions d'apporter
leur grain de sel éducatif et sociabilisant à ces
énergumènes jusqu'au-boutistes capables de mitrailler
une foule à l'arme lourde ?
Les lanceurs d'alerte qui
ont prévenu que de telles horreurs étaient à
craindre et qu'y parer serait compliqué ?
Les ouvriers des usines
d'armement qui vont voir leurs cadences et leur prime de Noël
augmenter et les engins volants qu'ils fabriquent envahir les cieux
et rajouter une couche de terreur à des situations déjà
mal engagées ?
Les intellectuels qui ne
savent plus à quel symbole se raccrocher ni vers quel gourou
se tourner ?
Les urgentistes
contraints de travailler dans l'urgence alors que l'urgence serait
d'offrir à tout être humain un environnement réellement
paisible et harmonieux pour éviter ces dérives
mortifères et ces coups de feu dans la nuit festive de la
capitale des amoureux ?