jeudi 29 mai 2014

Saletés de chômeurs et fumiers d'abstentionnistes

En cette période de crise, pas d'autre choix que de pondre une petite analyse de derrière les fagots. Il y a en effet des évidences qu'il est toujours utile de rappeler. Ainsi, les généralités sont parfois nuisibles. Parler des chômeurs, des arabes, des jeunes, des fascistes... ou des abstentionnistes... comme si ces groupes étaient homogènes, inaltérables et permanents est un non-sens, une aporie, au mieux une faute de goût, au pire une paresse de l'esprit. Moi même qui fus chômeur :) n'ai aucune envie d'être ainsi étiqueté. J'ai été jeune également (je ne le suis plus vraiment), comme toute personne vivant plus de 40 ans d'affilée, et sais sciemment que la jeunesse est quelque chose de fugitif, de volatile, d'éphémère, que les jeunes d'aujourd'hui, comme dirait La Palice, ne sont pas ceux d'hier (qui ont vieilli) et qu'au sein d'une même tranche d'âge, il y a d'incroyables disparités. Et quoique citoyen affûté, il m'est également arrivé de m'abstenir (à un premier tour d'élections) parce que j'avais la flemme d'établir une procuration à un proche de confiance (et parce qu'en plus, parmi mes proches, il y a pas mal d'abstentionnistes et je me voyais mal leur demander d'aller voter à ma place)... Par contre, je n'ai jamais été fasciste. Ou alors, dans des rêves, dans des jeux de rôles ou des projections inconscientes. Tout ceci pour préciser que le catalogage est rarement une explication. Et que les raccourcis sont souvent trompeurs (ou alors très pratiques, comme les proverbes). Les chômeurs, les jeunes, les abstentionnistes, les malades, les pertinents, les sages, les Bretons, les cons, etc., fluctuent donc. Ces catégories sont poreuses, polymorphes, et bien fol qui s'y fie. Bien crétin également celui qui jette l'anathème sur une de ces catégories, car il risque un jour de s'y retrouver - le sort étant souvent d'une ironie mordante et les premiers, comme le soulignent les Écritures, un jour ou l'autre fatalement se font derniers et vice-versa. D'où la prudence de ce billet, en ces temps troublés. Que le FN fasse néanmoins se déplacer tant d'électeurs reste néanmoins un mystère. Les gens sont en colère, l'expriment, et votent pour Murène La Peine et consorts ; leurs problèmes sont intacts ; la montée du FN en terme de suffrages exprimés n'a rien résolu ; s'ils en veulent à leur patron, ils vont retourner lundi matin au turbin en courbant l'échine ; s'ils en veulent à leurs concurrents, ils vont continuer à vouloir grignoter des parts de marché ; s'ils en veulent à leurs enfants d'être des fainéants, ils vont continuer à leur gueuler dessus ; s'ils en veulent à l’État qui surtaxe exagérément leurs petites entreprises, ils vont continuer de penser qu'avec plus d'employés et moins de charges, leur sort s'en trouverait comme par magie simplifié, apaisé, alors qu'ils ont déjà du mal à gérer leur douze employés, dont 3 précaires, 2 qui piquent dans la caisse, 5 qui ont menti sur leur CV et le reste qui serait prêt à partir avec le carnet d'adresses du patron pour monter à leur tour leur propre business prospère et sans accrocs malgré les impôts toujours plus lourds et les prêts toujours plus ardus à obtenir ; s'ils en veulent à leur femme, ils vont continuer d'aller aux putes, ou au café du commerce pour  oublier leur mauvaise alliance ; s'ils en veulent à leur maire, ils vont continuer de pester dans leurs coins en ourdissant des complots ; s'ils en veulent aux musulmans, ils vont continuer à aller en vacances en Turquie, à manger des dattes tunisiennes, à manger des melons marocains, à raffoler du couscous et à fumer du shit des Aurès ; s'ils en veulent à la terre entière, celle-ci va continuer à les porter, les nourrir et leur dispenser ses ineffables générosités...
Or la politique, s'il s'agit d'une chose éminemment sérieuse, ne doit jamais occulter ces autres dimensions de l'existence que sont par exemple l'esthétique, l'éthique ou la mystique. Quelle est l'esthétique promise par le FN : des flammes tricolores et des statues de Jeanne d'Arc à chaque carrefour (et des bals viennois avec le gratin européen néo-nazi pour les grandes occasions) ? Quelle est la mystique fondamentale défendue par Murène La Peine hormis considérer que son papa borgne et vociférant est un homme admirable parfois un peu excessif ? Quelle éthique si ce n'est celle de proférer menaces, promesses intenables, mensonges et contre-vérités à tout-va dans le but de gravir les échelons du pouvoir ?
Qu'un parti prétende tout régler est une supercherie. Qui plus est qu'un parti euro-sceptique s'invite à Bruxelles est à se tordre de rire. Des salopards ont fait croire à des imbéciles que le problème de l'Europe venait de l'étranger, d'au-delà des frontières*. Là est la pensée dominante (qui domine essentiellement les vastes plaines de la crédulité des uns et de l'irresponsabilité des autres). Alors il faut renforcer les frontières, se méfier de l'autre - ce métèque aux mœurs barbares -, ériger des murailles de barbelés et des centres de rétention où parquer les malheureux migrants. Il sera peut-être plus judicieux, dès qu'on aura cinq minutes, d'ériger l'hospitalité et la solidarité transnationale comme des vertus nécessaires.
Qu'un·e·tel·le assure mener 65 millions de Français vers mille ans de réjouissances immaculées et de pure plénitude absolue si l'on suit ses commandements est suspect. Que 65 millions de Français soient assez naïfs et déboussolés pour s'agglutiner derrière quelqu'un·e qui leur promet la lune (et ses satellites) est encore une fois à se rouler par terre tellement c'est drôle. Pour ma part, je ne confierais jamais mon sort à quelque parti que ce soit. Et sûrement pas, a fortiori, à un parti sans la moindre lettre de noblesse.


* Et ce, quelles que soient ces frontières, le but du jeu étant de se déclarer soi-même sain et sans problème et de prétendre que les problèmes viennent de l'extérieur, de l'autre, de l'étranger, des chômeurs, des juifs, des francs-maçons, des plombiers polonais, des politiciens des autres partis, de la jeunesse décadente, des vieux corrompus par Mai 68, des punks à chiens ou des imams égyptiens. Or, ce vote et cette vague frontiste auront démontré quelque chose : l'ennemi une fois encore vient de l'intérieur. La bête immonde n'est pas chez les voisins. Toujours prête à glapir et à proliférer, elle grouille au sein même de cette Europe qui a été voulue comme terre de paix et de concorde.

C.C.

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