lundi 26 novembre 2018

Gilets jaunes versus costumes de chez Smuggler


Quelles raisons, aujourd’hui, pourraient nous inciter à pousser Emmanuel Macron vers la sortie (à grands coups de pied au cul) ? Son arrogance ?* Les lois qui passent à l’Assemblée depuis son arrivée au pouvoir ?** Son manque d’adéquation avec les attentes nées de la prise de conscience du problème écologique majeur dont la société humaine, dans son inconscience globale, est l’auteure ? Il a maté les mouvements déployés contre la loi Travail. Il a bravé les cheminots. Il n’écoute pas les infirmières ni le personnel hospitalier en souffrance depuis des années. Il regarde sans broncher le sort des petits ambulanciers se dégrader ou celui des AVS stagner – sans parler des contrats aidés supprimés subitement. Il réinstaure un service militaire obligatoire – lui qui, né en 1977, n’a pas eu à faire le sien car il suivait des études. Il nomme des préfets qui promeuvent la chasse aux réfugiés et la maltraitance à leur égard et il refuse que l'Aquarius arbore le pavillon français, ajoutant ignoblement que ces sauveteurs en mer feraient le jeu des passeurs. Maintenant, tout en prévoyant de détricoter le système solidaire de salaire reporté (en réduisant la part de cotisations sociales), il propose, sous le prétexte de prendre des mesures pour l’écologie, une taxe sur le carburant pour les particuliers. Ce qui a déclenché le mouvement de colère, dit des gilets jaunes. Qu’adviendra-t-il de cet élan d’opposition populaire ? On le saura en suivant les informations sur BFM.TV, chaîne qui appartient au groupe NextRadioTV présidé par Alain Weill, membre du très très sélect club Le Siècle, dont les heureux encartés se retrouvent, chaque dernier mercredi du mois, pour ripailler et refaire le monde à leur sauce, au 33 rue du Faubourg Saint-Honoré, à Paris, dans le VIIIe arrondissement.



Cyrille Cléran


* « Si tu veux un travail, traverse la rue – et tant pis pour ta passion pour l’horticulture et tes diplômes en la matière, puisque c’est dans la restauration rapide que ça embauche » // « Le meilleur moyen de s’acheter un costard (beau comme le mien payé par les deniers de l’État – plutôt cool envers les hommes de ma trempe puisqu'il a également la bonté de m’octroyer 40 000 € par mois de maquillage et pour m'épiler les poils du cul au laser - Brigitte préfère quand son petit Jupiter a les fesses douces), c’est de faire comme moi et travailler dur (moi qui suis fils d’un neurologue réputé, dans la Somme, qui ai fait l’Ena dans le Bas-Rhin, ai connu les fins de mois difficiles lorsque j’étais étudiant avec 1 000 € mensuels, avant d’être banquier chez Rothschild & Cie et de pouvoir redresser ma délicate situation) » // « Tiens, Brigitte, j’ai envie de nouveaux couverts (j’aime le changement). Que dirais-tu de ce ravissant petit assortiment (à 500 000 €) d’assiettes dorées à l’or fin pour en mettre plein la vue à nos hôtes russes, américains ou saoudiens qu’on invitera à Versailles – d’ailleurs ça me fait penser qu’on pourrait refaire la déco de la salle des fêtes de l’Élysée s’il restait un petit billet de 500 000 à traîner par-là » // « Une coquette piscine à 34 000 € ? allez banco ! lâchons-nous, c’est les vacances ! » // « Si vous n’êtes pas contents, chers amis manifestants (que mes gros bras en goguette sauront saisir par le colbac quand il le faudra, que mes forces de l’ordre suaves sauront traquer dans les ruelles de la capitale, que mes juges serviles sauront châtier et enfermer séance tenante après des comparutions processionnaires, que mes caméras de télésurveillance qui équipent chaque carrefour sauront identifier, que mes médias à ma botte sauront subtilement traîner dans la boue, que mes députés sauront délégitimer au détour d’un amendement voté en loucedé), venez me chercher (vous savez bien comme j’apprécie de converser avec mon bon peuple à toute heure du jour et de la nuit sur un pied d’égalité). »

** Il a vite confirmé quelles étaient ses priorités – largement décelables lorsqu’il n’était que ministre. Énumérons un peu, histoire de rentabiliser l’astérisque : Réduction des APL qui bénéficient pourtant aux plus modestes, ces « pauvres, qui coûtent un pognon de dingue et ne sont pas même capables de se sortir les doigts du cul, pour créer la petite start-up qui va bien, qui leur permettrait pourtant de rouler en Toyota hybride et de consolider le taux de croissance du pays » // Suppression de l’ISF (« Car où irions-nous si on se mettait à taxer vraiment les plus éhontément riches qui ont fait ma gloire et m’ont porté aux nues grâce à leur entregent – je ne suis pas ingrat, je sais renvoyer un ascenseur ? ») // Réflexion en cours pour concevoir et mettre à l’eau un second porte-avions nucléaire (« ça coûtera 10 milliards sans doute, à la louche, mais le jeu en vaut la chandelle et ça me faisait mal au cœur que notre fleuron, le Charles-de-Gaulle, n’ait pas un petit frère pour faire des ronds dans l’eau et lancer des raids aériens contre les ennemis du pays des Lumières – le deuxième, on pourrait l’appeler le Napoléon (c’est l’ami Zemmour qui serait content) ou bien le Paul Ricœur (ça ferait chic et me rappellerait mes années universitaires à Paris-Nanterre), qu’en penses-tu, Brigitte ? » // Invasion militaire de Notre-Dame-des-Landes pour la modique somme de 300 000 euros par jour et pour bien montrer à mes amis que j’en connais un rayon en matière de maintien de l’ordre et de piétinement de potagers bio, de ravage d’exploitations en permaculture et de saccage de cabanes dans les arbres construites par des primitivistes pieds nus et mal rasés et autres hérétiques qui expérimentent une forme de vie en harmonie avec leur environnement sauvegardé (d’ailleurs, ça me fait penser qu’à Bure et en Guyane, j’ai deux grands projets grandioses sous le coude et il ne faudrait pas mollir, même si ça risque de coûter 1 ou  2 millions par jour pour pacifier ces zones-là – Décidément, ce n’est pas avec de tels frais qu’on va pouvoir hausser le Smic ou les retraites… ») // Retraite à 63 balais plutôt qu’à 62 (« ce ne sont quand même pas les petits vieux qui vont m’apprendre mon métier ! ») // Autorisation maintenue des glyphosates dont on reconnaît pourtant la nocivité (« De toute façon, les insectes, les mauvaises herbes aux longues racines, les rusés goupils et les sautillants mulots, à part en poésie (matière en laquelle j’excelle également - dois-je rappeler que je suis l'auteur du fabuleux concept « Penser printemps » ?), ça ne sert tout de même pas à grand-chose… quant aux paysans et riverains que ces épandages rendraient malades, on verra ça un autre jour (lors de mon prochain quinquennat par exemple) » // Aides accrues aux monocultures vouées à l’exportation et à l’agro-industrie // Privatisation des chemins de fer (en attendant celle de la Sécurité sociale) // Hausse des droits d’entrée à l’université pour les étudiants non-européens (« Je ne suis pas raciste, j’organise un tri censitaire ») // Réforme de l’université (« Non pas pour qu’il y ait plus de personnel, de budget et de locaux opérationnels, mais pour que la sélection soit sur dossier, de sorte que les petits malins qui auront préféré faire l’école buissonnière ou glander dans la cage d’escalier de leur immeuble, hé bien, ils pourront toujours se brosser pour y entrer ») // Maintien d’un arsenal nucléaire (« On ne va quand même pas ratifier les conventions contre leur prolifération signées par toutes les couilles molles du globe réunies en concile ! ») quoi qu’il en coûte (« Quelques milliards par an, mais comme vous l’avez vu, je ne suis pas regardant sur la dépense – il en va du standing de la France et du bien-être de mes amis, banquiers dans le privé, qui m’avancent ces sommes démentielles (qu’ils créent virtuellement) et que les contribuables rembourseront jusqu’à la fin des temps (à la sueur de leur front), car ces dettes-là sont justement étudiées pour qu’on ne puisse JAMAIS les éponger (vous pensez que c’est démoniaque ? Non, c’est simplement de l’entraide entre citoyens bien nés et, pour votre gouverne, je vous rappelle que mon mémoire de DEA portait sur Machiavel, pas sur les Bisounours »).

NB : Les citations ci-dessus, entre guillemets, sont approximatives, faites de mémoire, mais on sait qu'elles auraient très bien pu être prononcées par l'intéressé. Et peut-être d'ailleurs ne suis-je pas le seul à avoir cru les entendre.

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