mardi 7 mai 2013

« Hannah Arendt », de Margarethe Von Trotta, avec Barbara Sukowa, Axel Milberg...



C'est drôle de croiser, chemin faisant vers le cinéma, des petits groupes épars endimanchés. Les femmes et les jeunes filles portent des chemisiers sages et soignés et des gilets bleu marine aux boutons dorés. Les hommes ont des pantalons de toile beige, à la fois décontractés et repassés, des souliers vernis, des chemises en flanelle blanches à petits carreaux, un pull éventuellement jeté sur les épaules. Quelques-uns portent un sweat à capuche, rose ou bleu, avec le logo popularisé par Virgine Tellenne, alias Frigide Bargeot. Ils ont à la main des drapeaux bleus, roses, floqués de ce même logo, ou bleu-blanc-rouge, ou des Gwen ha Du. Ces fiers représentants des bonnes familles quittent pour une bonne raison leurs beaux quartiers : ils ont une lutte à mener, des valeurs à défendre. Les pancartes brandies indiquent qu'ils sont mariageophiles (sic), et non homophobes. Des policiers et des motards, réquisitionnés en ce dimanche printanier, bloquent les accès menant à l'esplanade du Général de Gaulle. Sur le boulevard, séparés par des barrières, un petit groupe d'individus, avec des pancartes du NPA, vêtus de fringues dans des tons plus sombres ne provenant sûrement pas des boutiques Cyrillus, entonnent avec une certaine insolence une rengaine : « On a gagné ! On a gagné !... » Quant à moi, je poursuis ma route. Mon b'Twin et mes pas m'amèneront à la salle Louis Jouvet. M'y attend un film sur le mal absolu, sur la Shoah, sur le processus d'extermination mené par des bureaucrates fanatiques comme Adolf Eichmann, capturé par le Mossad au Vénézuela, et dont le procès en 1961, à Jérusalem cette fois sera couvert, dépêchée par le New Yorker, par la philosophe d'origine allemande Hannah Arendt (Barbara Sukowa), exilée aux États-Unis depuis 1941 après un bref séjour dans les camps d'internement français réservés aux ressortissants juifs. Elle décrira, analysera, tâchera de comprendre, à travers le jugement de ce monstre, visiblement dénué de toute empathie à l'égard de ses victimes, et qui finira pendu, comment put se mettre en place un tel système industriel de destruction massive. Signalant que dans l'incapacité totale de résister, certains chefs de file juifs collaborèrent avec les nazis et contribuèrent à accroître le nombre des déportés, Hannah Arendt, décrite ici comme une femme curieuse de savoir, de comprendre, soucieuse de penser (et si possible de penser juste), fera l'objet de vives polémiques.

Cyrille Cléran

Membres