Nous sommes gouvernés par de
vieilles branches qui pour régler des problèmes internationaux missionnent des
porte-avions nucléaires (équipés de beaux Dassault Super-Étendard et de Super
Frelon).
Nous gérons nos vies en fonction
de schémas périmés qui remontent aux années 50 (or il serait temps de se
montrer créatif et de cesser de vouloir vivre comme nos parents*. De
l’imagination que diable ! plutôt que copier bêtement des modèles
obsolètes !).
Nous sommes immergés parmi 25 à 30 % d’électeurs (et
peut-être plus) qui, afin de solutionner les questions de la croissance
économique et de leur manque d’estime d’eux-mêmes, opteraient pour ressusciter
le noble métier de bourreau ; préféreraient la préférence nationale et
généraliseraient le délit de faciès ; sacrifiant béatement la notion de
solidarité pour vivre dans une société de boucs-émissaires terrorisés, de loups
blonds tatoués et d’ours mal léchés couverts de cicatrices glanées en défendant
nos anciennes colonies.
Nous sommes des consommateurs qui
idolâtrons des instincts primitifs à peine dignes des hommes des cavernes.
Nous sommes incapables d’offrir
un statut à 500 000 sans-papiers corvéables à merci, traqués comme des
criminels, expulsables sans quartier. Alors que c’est pourtant une mesure
INDISPENSABLE, d’une grande puissance symbolique, aussi efficace qu’une
Déclaration des Droits de l’Homme bien pensée – et surtout d’un coût sûrement
moins élevé que celui d’une guerre civile toujours dommageable comme les
Algériens, les Syriens, les Irakiens, les Ukrainiens ou les Ivoiriens se sont
faits forts de le démontrer récemment.
Nous tolérons que des millions de
compatriotes et autres forces vives fraîchement débarquées vivent dans des
conditions indécemment précaires (tandis que d’autres, caressant leurs comptes
en Suisse d’une main et lustrant leur Rolex de l’autre, marinent dans une
opulence insolente). NB : pour ma part, je suis à la lisière de ces deux
mondes – un pied dans l’un, un pied dans l’autre, je sautille sur des braises.
La Caf et ses agents zélés qui contrôlent que je mérite bien le RSA s’étonnent
que je ne vive pas dans un taudis, ou que je puisse encore acheter de la
peinture et des toiles vierges et m’entourer de plantes vertes.
Mon p'tit bureau, d'où je vous écris présentement...
... et où naissent les nouvelles aventures de Mic Lebeau et Paul Rougissant.
Nous courbons l’échine devant des
petits despotes qui se sont mis en tête de faire du profit coûte que coûte,
imposant leurs cadences, leurs exigences, quitte à y laisser la peau de leurs
subalternes et à spolier les générations futures.
Nous acceptons de vivre dans des
environnements dégradés, bruyants, cancérigènes, aliénants, anxiogènes. Et qui
plus est de payer cher pour ce faire.
Nous sacrifions nos plus belles
années pour apprendre à nous taire et subir.
Nous jouons à la roulette russe
avec la survie de l’espèce en multipliant les agressions du biotope. Se baigner
dans les rivières du Grand Ouest présente des risques pour la santé…
Nous ne savons plus écrire de
poésie autrement qu’en employant 6 smileys par ligne le tout avec un maximum de
140 caractères.
Nous ne parlons plus à nos voisins pour des raisons qui
n’ont rien à envier aux raisons pour lesquelles nos voisins eux-mêmes ne nous
adressent pas la parole.
Nous acceptons de regarder la
télévision plutôt que les étoiles.
Nous croyons encore que l’Europe
est en quelque sorte le centre de gravité, la matrice et le point d’orgue de
l’univers connu.
Nous abandonnons nos vieux dans
des hospices. Ou dans la rue – après la trêve hivernale.
Nous ne savons plus faire la
différence entre un églantier et un sureau.
Nous avons peur de reconnaître
nos torts et nos erreurs, nos ignorances et nos arrogances, nos mensonges et
nos oublis coupables.
Nous mangeons de la brioche
industrielle en buvant du chocolat au lait issu d’élevages intensifs.
Nous possédons 2 500 tonnes d’or
(pillées dans tous les sous-sols du monde depuis des lustres) entassées sur des palettes alignées dans nos coffres
souterrains, mais refusons l’aumône aux gueux.
Nous considérons que la Bible est
plus sacrée que la vie des militaires qu’on envoie patrouiller dans des djebels
tenus par des djihadistes.
Nous jouissons devant des
vitrines où s’alignent des iPhones et des iPods.
Nous exproprions des familles
heureuses pour bâtir des immeubles immondes, des trucs en béton ou des parkings
à avions.
Nous enfermons les fous dans les
prisons et peinons à recouvrer nos esprits les lendemains de gueuletons.
Nous attendons l’arrivée du FN au
pouvoir comme s’il s’agissait d’un rendez-vous chez le dentiste prévu de longue
date.
Nous enterrons chaque jour
quelques femmes tombées sous les coups de leurs compagnons vaguement avinés et
désignons sous le vocable de barbares quelques peuples lointains dont on ne
connaît que quelques vidéos postées sur Youtube.
Et malgré tout, nous osons nous
offusquer lorsque le tube concocté par notre barde national sent la
naphtaline et le vieux pain jeté sur un balcon pour attirer les moineaux,
les pigeons ?
C. C.
* Tant mieux, bien sûr, si
ceux-ci ont su admirablement mener leur vie et continuent de se montrer à la
hauteur des enjeux.