mardi 17 mars 2015

Ô époque pleine de mystères !



Nous sommes gouvernés par de vieilles branches qui pour régler des problèmes internationaux missionnent des porte-avions nucléaires (équipés de beaux Dassault Super-Étendard et de Super Frelon).
Nous gérons nos vies en fonction de schémas périmés qui remontent aux années 50 (or il serait temps de se montrer créatif et de cesser de vouloir vivre comme nos parents*. De l’imagination que diable ! plutôt que copier bêtement des modèles obsolètes !).
Nous sommes immergés parmi 25 à 30 % d’électeurs (et peut-être plus) qui, afin de solutionner les questions de la croissance économique et de leur manque d’estime d’eux-mêmes, opteraient pour ressusciter le noble métier de bourreau ; préféreraient la préférence nationale et généraliseraient le délit de faciès ; sacrifiant béatement la notion de solidarité pour vivre dans une société de boucs-émissaires terrorisés, de loups blonds tatoués et d’ours mal léchés couverts de cicatrices glanées en défendant nos anciennes colonies.
Nous sommes des consommateurs qui idolâtrons des instincts primitifs à peine dignes des hommes des cavernes.
Nous sommes incapables d’offrir un statut à 500 000 sans-papiers corvéables à merci, traqués comme des criminels, expulsables sans quartier. Alors que c’est pourtant une mesure INDISPENSABLE, d’une grande puissance symbolique, aussi efficace qu’une Déclaration des Droits de l’Homme bien pensée – et surtout d’un coût sûrement moins élevé que celui d’une guerre civile toujours dommageable comme les Algériens, les Syriens, les Irakiens, les Ukrainiens ou les Ivoiriens se sont faits forts de le démontrer récemment.
Nous tolérons que des millions de compatriotes et autres forces vives fraîchement débarquées vivent dans des conditions indécemment précaires (tandis que d’autres, caressant leurs comptes en Suisse d’une main et lustrant leur Rolex de l’autre, marinent dans une opulence insolente). NB : pour ma part, je suis à la lisière de ces deux mondes – un pied dans l’un, un pied dans l’autre, je sautille sur des braises. La Caf et ses agents zélés qui contrôlent que je mérite bien le RSA s’étonnent que je ne vive pas dans un taudis, ou que je puisse encore acheter de la peinture et des toiles vierges et m’entourer de plantes vertes.

 Mon p'tit bureau, d'où je vous écris présentement...

... et où naissent les nouvelles aventures de Mic Lebeau et Paul Rougissant.

Nous courbons l’échine devant des petits despotes qui se sont mis en tête de faire du profit coûte que coûte, imposant leurs cadences, leurs exigences, quitte à y laisser la peau de leurs subalternes et à spolier les générations futures.
Nous acceptons de vivre dans des environnements dégradés, bruyants, cancérigènes, aliénants, anxiogènes. Et qui plus est de payer cher pour ce faire.
Nous sacrifions nos plus belles années pour apprendre à nous taire et subir.
Nous jouons à la roulette russe avec la survie de l’espèce en multipliant les agressions du biotope. Se baigner dans les rivières du Grand Ouest présente des risques pour la santé…
Nous ne savons plus écrire de poésie autrement qu’en employant 6 smileys par ligne le tout avec un maximum de 140 caractères.
Nous ne parlons plus à nos voisins pour des raisons qui n’ont rien à envier aux raisons pour lesquelles nos voisins eux-mêmes ne nous adressent pas la parole.
Nous acceptons de regarder la télévision plutôt que les étoiles.
Nous croyons encore que l’Europe est en quelque sorte le centre de gravité, la matrice et le point d’orgue de l’univers connu.
Nous abandonnons nos vieux dans des hospices. Ou dans la rue – après la trêve hivernale.
Nous ne savons plus faire la différence entre un églantier et un sureau.
Nous avons peur de reconnaître nos torts et nos erreurs, nos ignorances et nos arrogances, nos mensonges et nos oublis coupables.
Nous mangeons de la brioche industrielle en buvant du chocolat au lait issu d’élevages intensifs.
Nous possédons 2 500 tonnes d’or (pillées dans tous les sous-sols du monde depuis des lustres) entassées sur des palettes alignées dans nos coffres souterrains, mais refusons l’aumône aux gueux.
Nous considérons que la Bible est plus sacrée que la vie des militaires qu’on envoie patrouiller dans des djebels tenus par des djihadistes.
Nous jouissons devant des vitrines où s’alignent des iPhones et des iPods.
Nous exproprions des familles heureuses pour bâtir des immeubles immondes, des trucs en béton ou des parkings à avions.
Nous enfermons les fous dans les prisons et peinons à recouvrer nos esprits les lendemains de gueuletons.
Nous attendons l’arrivée du FN au pouvoir comme s’il s’agissait d’un rendez-vous chez le dentiste prévu de longue date.
Nous enterrons chaque jour quelques femmes tombées sous les coups de leurs compagnons vaguement avinés et désignons sous le vocable de barbares quelques peuples lointains dont on ne connaît que quelques vidéos postées sur Youtube.
Et malgré tout, nous osons nous offusquer lorsque le tube concocté par notre barde national sent la naphtaline et le vieux pain jeté sur un balcon pour attirer les moineaux, les pigeons ?

C. C.
 

* Tant mieux, bien sûr, si ceux-ci ont su admirablement mener leur vie et continuent de se montrer à la hauteur des enjeux.




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