Tandis que certains s’accrochent à leur portefeuille et à leurs prérogatives, d’autres s’agrippent
aux arbres pour les sauver
Tandis qu’on applaudit lorsque le peuple burkinabé s’exprime pour châtier un dictateur, on
envoie au Testet des militaires pour mater les embryons d’une rébellion
Tandis que l’on pointe du doigt les violences des manifestants qui jettent des cailloux et
lancent des slogans, on hésite à livrer – ou pas – des porte-hélicoptères
Mistral à Poutine (bien connu pour ses élans d’amour pacificateurs comme en
Tchétchénie, en 1999, ou en Ukraine plus récemment, ou envers les communautés
gays pour ne citer qu’elles)
Tandis qu’on se recueille sur la dépouille encore tiède du sergent-chef Thomas Dupuy mort au nord du Mali à
32 ans (dans une « lutte » contre le terrorisme, vaguement
contre-productive à moyen et long termes, mais d’ores et déjà parfaitement
lucrative pour les marchands d’armes sophistiquées et autres industriels du
crime international qui ont tout intérêt à voir se multiplier les théâtres
d’opérations militaires), on se demande ce qu’un jeune homme de 21 ans pouvait
bien faire à deux heures du matin sur une aire déboisée du nord-ouest du Tarn
quadrillée par une cohorte de gendarmes mobiles déployés là pour assurer la
sûreté de l’État
Tandis que les manifestants non-violents rêvent d’un monde apaisé, fraternel et solidaire,
les bons chrétiens regardent TF1
Tandis que les « ACAB » fleurissent sur les abribus, d’autres considèrent que la
députée Marion Maréchal ferait vraiment une jolie Marianne
Tandis que la
France terre d’asile traque et expulse les sans-papiers, on s’interroge pour
savoir si l’hospitalité rime encore à quelque chose
Tandis que les prisons sont pleines d’innocents, les truands dînent au Fouquet’s
Tandis que les grands seigneurs tiennent table ouverte, les mauvais conseillers suggèrent
qu’on élève des rideaux de barbelés autour des champs de blé
Tandis que les centres de rétention administrative ressemblent de plus en plus à des
verrues d’un autre temps (d’avant l’abolition de l’esclavage et d’avant la
Déclaration des droits de l’Homme), on s’inquiète de ces hordes de pauvres qui
déferleraient si l’on ouvrait les vannes de la générosité – qu’on garde donc
fermées – et on s’étonne que ça sente le moisi dans les esprits…
C. Cléran