Acte XXVIII des Gilets Jaunes, Rennes, 25 mai
2019.
« J’espère qu’on est beau !
tente, hilare, presque avenant, le jeune gendarme bardé d’armes de guerre sous le
soleil printanier, en faction devant les Galeries Lafayette qui viennent de
baisser rapidos leur herse d’entrée – sans doute pour éviter une intrusion de
Gilets Jaunes*.
- Ce n’est pas vous que je prends
en photo, ce sont les mannequins derrière », réponds-je.
Après qu’elle aura été
développée, je trouverai la photo réussie. Mais sur le coup, j’aurais préféré
répondre plus longuement, ai-je regretté en réenfourchant mon vélo une fois la
manifestation terminée. Comment en effet ose-t-on se croire ou se vouloir beau
quand on exécute des ordres dont la finalité est de criminaliser les
contestations de l’ordre établi, de terrifier les concitoyens, de dissuader de
rejoindre les rangs jaune fluo des dissidents qui ne savent plus comment
exprimer leur désaccord et leur mécontentement, voire leur dégoût de la politique
menée en Macronie tambour battant ? Usant de gaz interdits par la
convention de Genève ; procédant à des contrôles et des arrestations
abusifs ; amalgamant terroristes et syndicalistes ; mutilant au
hasard (un œil par-ci une main par-là) ; assassinant en toute impunité ;
ces hommes en uniforme, de plus en plus souvent sans matricule apparent ou le
visage caché derrière une cagoule noire, sont de plus en plus laids d’un samedi
à l’autre.
Non seulement ils ne se
désolidarisent pas de leurs collègues qui commettent des exactions qui tombent
sous le coup de la loi, mais en plus ils touchent des primes pour maintenir la
pression policière sur les moindres cortèges. Molester, menacer, intimider, garder
à vue pour un rien, réprimer les droits civiques fondamentaux, confisquer du
matériel, fracturer un crâne, renverser une chaise roulante, agenouiller et
menotter des pré-adolescents, crever des ballons de baudruche jaunes sur les
Champs- Élysées le
jour du 14 Juillet, puis, pour ceux qui auront évité le burn-out et le suicide,
pour les plus zélés… récolter une médaille : tel est le lot de ces kapos
asservis qui s’inclinent devant les ordres des préfets paponesques désignés par
Macron le Poudré pour faire régner l’iniquité.
Et il faudrait qu’on les brosse
dans le sens du poil ?
* Il faut signaler que certaines
boutiques, certaines enseignes, redoutent tout ce qui ressemble de près ou de
loin à une manifestation de prolétaires en colère. Ces belles boutiques et ces
agences de luxe – qui n’ont pas toujours celui d’avoir pignon sur rue dans le
centre-ville historique de Rennes où les manifestations sont quasi systématiquement
interdites à coups d’arrêtés préfectoraux depuis les mouvements sociaux contre
la loi Travail de 2016, loi validée néanmoins par Manuel Valls et consorts –
auraient-elles quelque chose à se reprocher ? Sentent-elles, confusément,
obscurément, que l’abondance dont elles sont les écrins – aussi royale qu’inaccessible
pour bon nombre de bourses vides dès le 9 du mois –, a un on-ne-sait-quoi d’obscène,
d’intolérable, qui incite a minima au tag, aux regards dédaigneux et aux slogans
vengeurs ? Alors elles baissent précipitamment le rideau de fer – ou, dès la
veille, selon le parcours attendu et l’intensité et la pugnacité prévisibles, se
barricadent derrière des panneaux de menuiseries sur-mesure plus ou moins
épaisses.
En tout cas, les Galeries Lafayette
(groupe multinational dont le chiffre d’affaires annuel avoisine les 4,5
milliards d’euros de vente au détail) n’ont a priori pas de trop de souci à se
faire dans l’immédiat. Leurs sanctuaires sont bien protégés et leurs vigiles
réactifs.
*