samedi 17 mars 2012


Pour en finir avec les références au « Monde des Bisounours »


Le monde est une vaste compétition, l’économie d’aujourd’hui est impitoyable, on n’est pas dans le monde des Bisounours, on ne peut pas toujours faire dans la dentelle, être dans la tendresse ; il y a des contraintes liées à la mondialisation, une concurrence accrue entre l’Europe et la Chine et les pays émergents. Les entrepreneurs ne sont pas des philanthropes. On ne peut pas maintenir les emplois en France, quand on sait que des ouvriers produisent pour dix fois moins cher au Maroc ou à Singapour.

Combien de fois aura-t-on entendu cette resucée ?

Quand il s’agit de justifier une bonne grosse foirade (plan social massif, serrage de vis saignant, réduction des effectifs dans les crèches ou les hôpitaux, etc.), les Bisounours sont invoqués. Quand le dialogue social est rompu, quand le civisme minimum est dévoyé, quand le profit (indécent) des uns justifie de réduire (drastiquement) les (minces) avantages des autres, quand la loi du marché atomise les lois de la bienséance, alors on appelle à la rescousse les Bisounours.

Le Bisounours, à titre informatif, est un nounours au pelage pastel avec des étoiles, des arcs-en-ciel, des gâteaux ou des cœurs dessinés sur le ventre (Grognon, Groschéri, Grosfarceur, Grosdodo, etc.). Commercialisés par Kenner, qui appartient désormais au groupe Hasbro, les Bisounours sont déclinés en toutes sortes de produits dérivés (dessins animés, cartables, clips, chansons, films d’animation, pyjamas, housses de couette…). C’est une industrie du doudou et du gadget qui marche bien. Vendus par millions, les Bisounours en peluche ont aidé autant d’enfants à s’endormir. Que les adorables Bisounours soient aujourd’hui opposés aux cruautés du monde moderne et aux corruptions des valeurs humaines est une triste évolution, alors même qu’ils sortent de manufactures souvent délocalisées en Asie. Les hommes sont incorrigibles : ils ne peuvent s’empêcher de flétrir leurs idoles (Jésus-Christ, Marx, et aujourd’hui Groscopain).

Ça veut dire quoi, concrètement ? Eh bien tout simplement que, à l’identique du fameux point Godwin (toute controverse en ligne, à plus ou moins long terme, pour clore le débat, finit par évoquer le nazisme), les Bisounours sont utilisés quand on n’a pas d’autre argument à faire valoir. Si bien qu'alors et par voie de conséquence, n’ayant pas grand-chose à dire, si ce n'est qu'on n'est pas chez les Bisounours (merci pour l'information), le triste rhéteur qui les convoque dans ses argumentations pour défendre quelque saloperie, aurait peut-être mieux fait de se taire.

Bref, pourquoi souiller ce monde merveilleux, celui de l’innocence et de la douceur, qui sont des besoins vitaux, quoi qu’on en dise par ailleurs ? Dira-t-on, un jour, aux enfants, pour les rassurer lorsqu’une angoisse invisible les saisira, qu’ils ne vivent pas dans le monde de Jean-Cyril Spinetta, Marcel Dassault et Franck Riboud ?

Cyrille Cléran


3 commentaires:

  1. Ton angélisme est rafraîchissement, touchant, vivifiant, mais saches que malgré tout, il ne devrait pas trop perturber la marche en avant de nos entreprises.

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  2. Sérieux, Cyrille, j'aime énormément ce billet !

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  3. Il n'y a pas de combat perdu d'avance, mon cher Mike.

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