Pour en finir avec les
références au « Monde des Bisounours »
Le monde est une vaste
compétition, l’économie d’aujourd’hui est impitoyable, on
n’est pas dans le monde des Bisounours, on ne peut pas toujours
faire dans la dentelle, être dans la tendresse ; il y a des
contraintes liées à la mondialisation, une concurrence accrue entre
l’Europe et la Chine et les pays émergents. Les entrepreneurs ne
sont pas des philanthropes. On ne peut pas maintenir les emplois en
France, quand on sait que des ouvriers produisent pour dix fois moins
cher au Maroc ou à Singapour.
Combien de fois aura-t-on
entendu cette resucée ?
Quand il s’agit de
justifier une bonne grosse foirade (plan social massif, serrage de
vis saignant, réduction des effectifs dans les crèches ou les
hôpitaux, etc.), les Bisounours sont invoqués. Quand le dialogue
social est rompu, quand le civisme minimum est dévoyé, quand le
profit (indécent) des uns justifie de réduire (drastiquement) les
(minces) avantages des autres, quand la loi du marché atomise les
lois de la bienséance, alors on appelle à la rescousse les
Bisounours.
Le Bisounours, à titre
informatif, est un nounours au pelage pastel avec des étoiles, des
arcs-en-ciel, des gâteaux ou des cœurs dessinés sur le ventre
(Grognon, Groschéri, Grosfarceur, Grosdodo, etc.). Commercialisés
par Kenner, qui appartient désormais au groupe Hasbro, les
Bisounours sont déclinés en toutes sortes de produits dérivés
(dessins animés, cartables, clips, chansons, films d’animation,
pyjamas, housses de couette…). C’est une industrie du doudou et
du gadget qui marche bien. Vendus par millions, les Bisounours en
peluche ont aidé autant d’enfants à s’endormir. Que les
adorables Bisounours soient aujourd’hui opposés aux cruautés du
monde moderne et aux corruptions des valeurs humaines est une triste
évolution, alors même qu’ils sortent de manufactures souvent
délocalisées en Asie. Les hommes sont incorrigibles : ils ne
peuvent s’empêcher de flétrir leurs idoles (Jésus-Christ, Marx,
et aujourd’hui Groscopain).
Ça veut dire quoi,
concrètement ? Eh bien tout simplement que, à l’identique du
fameux point Godwin (toute controverse en ligne, à plus ou moins
long terme, pour clore le débat, finit par évoquer le nazisme), les
Bisounours sont utilisés quand on n’a pas d’autre argument à
faire valoir. Si bien qu'alors et par voie de conséquence, n’ayant pas
grand-chose à dire, si ce n'est qu'on n'est pas chez les Bisounours (merci pour l'information), le triste rhéteur qui les convoque dans ses argumentations pour défendre quelque saloperie, aurait peut-être mieux fait de se taire.
Bref, pourquoi souiller
ce monde merveilleux, celui de l’innocence et de la douceur, qui
sont des besoins vitaux, quoi qu’on en dise par ailleurs ?
Dira-t-on, un jour, aux enfants, pour les rassurer lorsqu’une
angoisse invisible les saisira, qu’ils ne vivent pas dans le monde
de Jean-Cyril Spinetta, Marcel Dassault et Franck Riboud ?
Ton angélisme est rafraîchissement, touchant, vivifiant, mais saches que malgré tout, il ne devrait pas trop perturber la marche en avant de nos entreprises.
RépondreSupprimerSérieux, Cyrille, j'aime énormément ce billet !
RépondreSupprimerIl n'y a pas de combat perdu d'avance, mon cher Mike.
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