vendredi 20 mai 2016

Le bonheur est dans le pré (-terrorisme)


« Le 28 avril, un étudiant, Jean-François Martin, 20 ans, a définitivement perdu son œil gauche. L’Inspection générale de la police nationale (IGPN) n’a pas encore établi que c’est la munition d’un lanceur de balles de défense – type Flash-Ball – qui a grièvement blessé le jeune homme. » (in Le Monde du 19 mai 2016)

« Le Cherbourgeois Hugo Poidevin, a porté secours au Vannetais Jean-François, 20 ans, blessé, jeudi, par un tir de Flash-Ball », titrait cependant dès le 2 mai le journal Ouest-France que nul ne soupçonnera d’empathie débordante à l’égard des manifestations contre la loi Travail.


Le jour de la manifestation nationale, Ouest-France botte en touche et préfère aborder des problèmes que nous qualifierons de marginaux : la disparition d'une vache et le prix des prothèses auditives...
 
Là, nous sommes le vendredi 20 mai. Les jours passent. L’enquête piétine. Qui avait un Flash-Ball ce jour-là ? Qui ne s’est pas servi du sien et pourquoi (parce que la cible était imprécise ? parce que son détenteur ne sait pas encore très bien s’en servir ? parce que son détenteur sait au contraire trop bien les dégâts que cette arme potentiellement létale peut commettre ? parce que ce n’était pas utile à ce moment-là ? parce que les tirs, à l’aveugle dans la foule, en pleine gueule des manifestants, ne font pas partie des usages de la maison ?) ? À l’inverse, qui et à quel moment a appuyé sur la détente ? Et pourquoi (pour donner une bonne leçon à ces petits merdeux qui niquent la Bac ? Parce qu’un œil de perdu, c’est dix mille pré-manifestants qui hésiteront à descendre dans la rue pour devenir des « pré-terroristes » pour reprendre la désignation du député LR Frédéric Péchenard sur Europe 1 à propos des mouvements sociaux qui enflamment les rues ? Parce que le coup est parti tout seul ? Parce que celui qui a appuyé sur la gâchette aime à infliger des blessures à ses adversaires désignés ?) ? Voilà des questions assez simples qui réclameraient des réponses précises. Mais peut-être l’IGPN est-elle un peu juge et partie dans cette affaire. 


Vététiste pédalant dans la choucroute.

En tout cas, la police sait aussi se montrer très efficace. Parfois, loin de piétiner à s’en user la Pataugas, la police court à perdre haleine et trouve vite des coupables. Hier, jeudi, grâce à une infiltration sournoise, un complot d’ampleur stratosphérique a été déjoué avec brio. 19 activistes s’apprêtant à mener une opération de blocage économique symbolique sur le métro rennais[1] ont été pris la main dans le sac avec une bombe de mousse expansive. La justice est en cours, sur la base d’une « association de malfaiteurs » (et pourquoi pas de mise en danger de la sécurité de l’État ?). L’avant-veille, alors qu’une fumigène était lancée dans une voiture de police assaillie par des « pré-terroristes », déclenchant l’émoi national, plusieurs personnes dans les minutes et les heures qui suivent sont écrouées avec pour chef d’inculpation « tentative d’homicide ». 

Face aux vrais faits qui atteignent des manifestants, rien n’est fait. On passe l’éponge. On se montre compréhensif. Face en revanche à de simples intentions d’atteindre des symboles, on s’offusque, on hurle à l’abomination, au blasphème, on sort l’artillerie lourde, on promet d’être implacable et on réclame de la prison ferme... 

Face aux questions que posent donc ces mêmes manifestants, le gouvernement fait la sourde oreille. Après tout, Ouest-France n'était peut-être pas loin de la vérité en soulevant les problèmes liés aux appareils auditifs.


Cyrille Cléran
 
PS : la vache perdue a été retrouvée.


[1] La ligne A du métro rennais, le Val, a été construite par Siemens. Coût des travaux : 449 millions d’euros - 2,942 milliards de francs à l’époque. Capitalisation boursière du groupe Siemens Mobility : 79,78 milliards d’euros. Évasion fiscale pratiquée par le groupe allemand : chiffres non communiqués.

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