« Le 28 avril, un étudiant,
Jean-François Martin, 20 ans, a définitivement perdu son œil gauche.
L’Inspection générale de la police nationale (IGPN) n’a pas encore établi que
c’est la munition d’un lanceur de balles de défense – type Flash-Ball – qui a
grièvement blessé le jeune homme. » (in Le Monde du 19 mai 2016)
« Le Cherbourgeois Hugo Poidevin, a
porté secours au Vannetais Jean-François, 20 ans, blessé, jeudi, par un tir de
Flash-Ball », titrait cependant dès le 2 mai le journal Ouest-France
que nul ne soupçonnera d’empathie débordante à l’égard des manifestations
contre la loi Travail.
Le jour de la manifestation nationale, Ouest-France botte en touche et préfère aborder des problèmes que nous qualifierons de marginaux : la disparition d'une vache et le prix des prothèses auditives...
Là, nous sommes le vendredi 20
mai. Les jours passent. L’enquête piétine. Qui avait un Flash-Ball ce
jour-là ? Qui ne s’est pas servi du sien et pourquoi (parce que la cible
était imprécise ? parce que son détenteur ne sait pas encore très bien
s’en servir ? parce que son détenteur sait au contraire trop bien les
dégâts que cette arme potentiellement létale peut commettre ? parce que ce
n’était pas utile à ce moment-là ? parce que les tirs, à l’aveugle dans la
foule, en pleine gueule des manifestants, ne font pas partie des usages de la
maison ?) ? À l’inverse, qui et à quel moment a appuyé sur la
détente ? Et pourquoi (pour donner une bonne leçon à ces petits merdeux
qui niquent la Bac ? Parce qu’un œil de perdu, c’est dix mille
pré-manifestants qui hésiteront à descendre dans la rue pour devenir des
« pré-terroristes » pour reprendre la désignation du député LR Frédéric Péchenard sur Europe 1 à propos des
mouvements sociaux qui enflamment les rues ? Parce que le coup est parti
tout seul ? Parce que celui qui a appuyé sur la gâchette aime à infliger
des blessures à ses adversaires désignés ?) ? Voilà des questions
assez simples qui réclameraient des réponses précises. Mais peut-être l’IGPN
est-elle un peu juge et partie dans cette affaire.
Vététiste pédalant dans la choucroute.
En tout cas, la police sait aussi
se montrer très efficace. Parfois, loin de piétiner à s’en user la Pataugas, la
police court à perdre haleine et trouve vite des coupables. Hier, jeudi, grâce
à une infiltration sournoise, un complot d’ampleur stratosphérique a été déjoué
avec brio. 19 activistes s’apprêtant à mener une opération de blocage
économique symbolique sur le métro rennais[1]
ont été pris la main dans le sac avec une bombe de mousse expansive. La justice
est en cours, sur la base d’une « association de malfaiteurs » (et
pourquoi pas de mise en danger de la sécurité de l’État ?).
L’avant-veille, alors qu’une fumigène était lancée dans une voiture de police
assaillie par des « pré-terroristes », déclenchant l’émoi national,
plusieurs personnes dans les minutes et les heures qui suivent sont écrouées
avec pour chef d’inculpation « tentative d’homicide ».
Face aux vrais faits qui
atteignent des manifestants, rien n’est fait. On passe l’éponge. On se montre
compréhensif. Face en revanche à de simples intentions d’atteindre des
symboles, on s’offusque, on hurle à l’abomination, au blasphème, on sort
l’artillerie lourde, on promet d’être implacable et on réclame de la prison ferme...
Face aux questions que posent donc ces mêmes manifestants, le gouvernement fait la sourde oreille. Après tout, Ouest-France n'était peut-être pas loin de la vérité en soulevant les problèmes liés aux appareils auditifs.
Cyrille Cléran
PS : la vache perdue a été retrouvée.
[1]
La ligne A du métro rennais, le Val, a été construite par Siemens. Coût des
travaux : 449 millions d’euros - 2,942 milliards de francs à l’époque.
Capitalisation boursière du groupe Siemens Mobility : 79,78 milliards
d’euros. Évasion fiscale pratiquée par le groupe allemand : chiffres non
communiqués.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire